À Paris Internationale, un art contemporain jeune, dynamique, inclusif et engagé
Comptant parmi la myriade de foires d’art organisées en parallèle de Paris+ par Art Basel, la foire d’art contemporain itinérante Paris Internationale se tenait du 17 au 22 octobre derniers. Retour sur cette neuvième édition reflétant à nouveau le dynamisme et la diversité de la scène artistique contemporaine internationale, organisée cette fois dans un ancien central téléphonique, dans le 9ème arrondissement de Paris.
Lancée en 2015 pour refléter la richesse et la diversité d’une nouvelle génération de galeristes et d’artistes, la foire Paris Internationale organisait sa neuvième édition en octobre dernier. En marge de Paris+ par Art Basel et d’une myriade d’autres foires telles qu’Also Know As Africa (AKAA), dont Artquire était partenaire, qui gravitent autour du soleil helvétique attirant un grand nombre de collectionneurs, Paris Internationale prenait cette année ses quartiers dans l’ancien Central téléphonique Le Cœur, immeuble phare de la foncière Covivio. Un bâtiment art déco construit en 1911 par l’architecte François Le Cœur, dans le 9ème arrondissement de Paris, repensé pour l’occasion en un écrin brutaliste par le cabinet d’architectes suisse Christ & Gantenbein, déployant 5 000 mètres carrés d’espaces d’exposition, répartis sur quatre étages.
Ouvert pour la première fois au public depuis sa construction, le central téléphonique Le Cœur succédait ainsi à l’ancien studio du photographe de Nadar choisi l’année dernière (Paris Internationale offre chaque année la possibilité à ses visiteurs de (re)découvrir un bâtiment oublié du patrimoine architectural parisien) et accueillait 71 participants, venus de 25 pays différents, de l’Allemagne à l’Iran en passant par la Chine. Au fur et à mesure des déambulations dans cette carcasse aux murs défraîchis laissant entrevoir leurs briques, on découvrait des œuvres et artistes engagés politiquement ou socialement, apportant une vision neuve, conformément au positionnement de la foire, qui se définit elle-même comme étant « libre, audacieuse, multi-générationnelle, inclusive et collaborative », et qui joue désormais un rôle de défricheur, grâce au travail de veille effectué chaque année par sa directrice Silvia Ammon.
Au troisième étage, sur le stand de la galerie KOW de Berlin, l’artiste espagnol Santiago Sierra exposait par exemple des œuvres saisissantes, à l’instar de celle issue de sa série d’impressions sur papier des armoiries de la famille royale espagnole, réalisée avec du sang humain. Ce même sang, donné par des volontaires, servait à l’artiste pour réaliser une œuvre composée d’un tissu imbibé, censée représenter le drapeau du Royaume d’Espagne et offrant une réflexion sur la violence des sociétés occidentales, depuis la colonisation jusqu’à la mondialisation. Au premier étage, la galerie Ciaccia Levi (l’une des galeries à l’origine de la foire) présentait quant à elle les céramiques féministes de la Britannique Zoe Williams, parmi lesquelles figurait un buste de femme aux yeux arrachés ou un vase aux fentes évocatrices. Basé à Abidjan en Côte d’Ivoire, le Something Art Space présentait de son côté en avant-première « ABJ », une installation de l’artiste Emeka Ogboh, composée d’un amoncellement de sacs Tati sur lesquels étaient projetées des interviews de personnes évoquant l’immigration, le concept de frontière, ou encore l’attractivité croissante de la capitale ivoirienne. Né au Nigéria, l’artiste présentera cette œuvre lors d’une exposition en Côte d’Ivoire, du 9 janvier au 17 mars.
Après avoir parcouru les stands des galeries parisiennes Joy et Crevecoeur, des galeries Amanda Wilkinson de Londres et Delgosha de Téhéran, on se laissait également séduire par la sculpture « Trust Camp », exposée sur le stand de la galerie berlinoise Schiefe Zähne. Réalisée par l’artiste allemande Phung-Tien Phan et composée d’une chaise surmontée d’un mobile pour bébé, cette sculpture s’inscrit dans le questionnement global de l’artiste sur les implications sociales des objets du quotidien.
À cette pléthore de discours politiques et sociaux, s’ajoutaient les œuvres méta du peintre autiste Marlon Mullen. Exposées au premier étage, sur les cimaises de la galerie américaine Adams and Ollman, basée à Portland, elles reproduisent sur la toile des couvertures du magazine d’art Frieze. Au deuxième étage, sur le stand de Goswell Road, l’artiste 4FSB (de son vrai nom Jaime Bull) offrait lui aussi un discours méta sur le monde de l’art, avec une installation troublante reproduisant sa propre chambre. Rien ici n’était cependant à vendre ; les seules pièces pouvant être achetées étant de simples T-shirts noirs, estampillés d’un monstre.
Engagée, Paris Internationale l’était aussi à travers « A drawing for Morocco », une vente à prix unique de plus de 360 dessins réalisés par 120 artistes, organisée au profit des victimes du séisme qui a secoué le Maroc, le 8 septembre dernier. De quoi réaffirmer l’engagement collaboratif de la foire qui – pour la deuxième année consécutive – nouait un partenariat avec le Centre national des Arts plastiques (CNAP) donnant lieu à « Maintenant ! », une exposition offrant une vitrine à quatre artistes : Malik Nejmi, Béatrice Lussol, Eva Barto et le duo Grout/Mazéas. Dernier projet collaboratif à souligner : le Centre téléphonique hébergeait également le temps de Paris Internationale un nouveau pop-up We Are Ona, imaginé avec la participation du designer russe Harry Nuriev, son studio Crosby et la cheffe étoilée Dalad Kambhu. En résultait une expérience culinaire immersive, dont le design rendait hommage à l’arrière-cuisine et aux plongeurs des restaurants, ordinairement invisibles.