Paris+ par Art Basel : More is More
Après une première édition mémorable en 2022, la foire Paris+ par Art Basel faisait son grand retour dans la capitale française, du 18 octobre au 22 octobre, au Grand Palais Éphémère et dans divers lieux de la capitale, à travers une programmation hors-les-murs. Retour sur une édition riche, marquée par des œuvres monumentales, tant par leurs dimensions que par l’aura internationale de leur géniteur.
Lancée l’année dernière en grande pompe, la foire d’art moderne et contemporain Paris+ par Art Basel s’est imposée, dès sa première édition, comme un événement culturel majeur, rassemblant pendant quelques jours les plus grands galeristes, collectionneurs et artistes du monde à Paris. Véritable épiphanie organisée au Grand Palais Éphémère, en attendant la réouverture de son grand frère d’acier et de verre prévue pour 2024, la seconde édition de Paris+ se tenait du 18 au 22 octobre, et rassemblait 154 galeries, venues de 33 pays différents sous la houlette de Clément Delépine. De quoi consolider la quatrième place de la capitale française, sur le podium du marché de l’art international.
Aussi alléchante qu’imposante cette deuxième édition de Paris+ s’articulait autour de grands noms de l’histoire de l’art et d’œuvres spectaculaires, tant par leurs dimensions que par l’attractivité de leurs créateurs auprès des collectionneurs. Actuellement au centre d’une grande rétrospective à la Fondation Louis Vuitton, qui lève le voile sur certains aspects méconnus de sa pratique, Mark Rothko dominait cette nouvelle édition de Paris+ avec son œuvre « Olive over Red » (1956), présentée sur le stand de la galerie américaine Pace, la plus chère de toutes celles exposées, avec son prix de vente affiché à 40 millions de dollars.
Sur le stand de la galerie Lévy Gorvy Dayan de New York, on retrouvait une autre œuvre du peintre letton, réalisée au crépuscule de sa vie. Elle côtoyait « La Rivière », une sculpture monumentale d’Aristide Maillol, à l’effigie d’une femme couchée, mais aussi des peintures des célèbres Picasso et De Chirico. De son côté, la galerie parisienne Le Minotaure présentait une œuvre de Jean Arp datant des années 1920 et une autre du Hongrois László Moholy-Nagy, qui a profondément marqué l’histoire de l’art du XXème siècle, tandis qu’une peinture figurative réalisé par Joan Miró se révélait sur le stand de la galerie Acquavella. Également au fait des expositions en cours ou à venir, la galerie Applicat-Prazan dédiait quant à elle son stand à Jean Hélion, alors qu’une rétrospective sur l’artiste sera présentée au printemps prochain au musée d’Art moderne de Paris.
À l’omniprésence de ses monuments du XXème siècle, reflétant le prestige immédiatement acquis par Paris+, répondaient les œuvres d’artistes contemporains tout aussi célèbres. Chez Hauser & Wirth, la galerie suisse qui vient d’ouvrir une succursale dans la capitale, rue François 1er, on pouvait ainsi admirer les toiles de l’artiste afro-américain Henry Taylor qui, depuis le début du mois d’octobre et jusqu’au 28 janvier 2024, est aussi au cœur d’une rétrospective, au Whitney Museum of American Art de New York. Chez Nächst St. Stephan et Max Hetzler, ce sont les œuvres de Katharina Grosse, qui fera également l’objet d’une rétrospective au Centre Pompidou de Metz en juin prochain, que l’on retrouvait. À l’entrée de la foire, le stand de la galerie Neugerriemschneider présentait quant à lui « Mindmap for Broadway Bougie Woogie », une installation de l’artiste dano-islandais Ólafur Elíasson, poursuivant la discussion entre la lumière et les couleurs entamée par son œuvre. Figure controversée de l’art contemporain retranscrivant et interrogeant la violence de notre société, Adel Abdessemed voyait quant à lui trois de ses figures féminines en marbre se refléter et s’inverser dans une œuvre d’Anish Kapoor, installée sur l’une des cimaises du stand de la Galleria Continua, qui exposait également Hiroshi Sugimoto.
Comptant parmi les plus grandes galeries parisiennes et internationales, la galerie Perrotin – dont la renommée et la popularité même chez le grand public sont à l’image des artistes qu’elle représente – exposait des sculptures pop et argentées de Takashi Murakami, tandis qu’une conceptuelle portière de Citroën Picasso détournée par Bertrand Lavier gratifiait les visiteurs de sa présence chez Kamel Mennour, qui présentait également des œuvres de nombreux vétérans de l’art contemporain, parmi lesquels Lee Ufan, Ann Veronica Janssens (également exposée chez Esther Schipper), Alicja Kwade, ou encore Tadashi Kawamata.
Preuve de la perméabilité entre les univers du luxe, de la pop culture et de l’art, le stand de la maison Louis Vuitton, en forme de malle, permettait de son côté au conglomérat LVMH, père de la Fondation Louis Vuitton, de mettre en avant ses liens la création artistique à travers ses nouveaux modèles de sacs « Artycapucines », conçus en collaboration avec des artistes, dans la lignée de précédentes collaborations nouées par le malletier avec Yayoi Kusama, Jeff Koons ou encore Stephen Sprouse.
Un gigantisme que venait contrebalancer le « Secteur Galeries Éphémères », soutenu par le Groupe Galerie Lafayette, qui mettait en avant 14 galeries émergentes, parmi lesquelles la Libanaise Marfa’. Sur son stand, on découvrait les œuvres bouleversantes et hybrides de l’artiste Mohamad Abdouni, réalisées à l’aide de l’intelligence artificielles, d’archives photographiques et de témoignages de personnes queer arabes.
Exposées en dehors du Grand Palais Éphémère et parfois visibles gratuitement dans l’espace public, d’autres œuvres fleurissaient un peu partout dans la capitale, dans le cadre de la programmation hors-les-murs de Paris+, qui joue les prolongations. Sur la place Vendôme, la monumentale « Wave » en aluminium d’Urs Fischer, issue de sa série « Big Clays » déferle ainsi jusqu’au 30 novembre, tandis que jusqu’au 10 novembre, les œuvres d’une vingtaine d’artistes internationaux ont pris place dans le Jardin des Tuileries, dans le cadre de l’exposition « La Cinquième Saison ». Au détour d’une balade, le visiteur peut ainsi découvrir « The Politics of Black Silhouettes », une série de sculptures de l’artiste sud-africain·e Zanele Muholi, qui exposait en début d’année ses clichés à la Maison Européenne de la Photographie. Dans une démarche post-coloniale, elles interrogent le spectateur sur la représentation des personnes noires dans l’espace public, alors que la présence de statues à l’effigie de personnages racistes et/ou ayant contribué à la traite des esclaves fait de plus en plus débat. Non loin le Malgache Joël Andrianomearisoa, à qui la marque de bougies et de parfums Dyptique a confié une carte blanche au Grand Palais Éphémère, expose son installation « Serenade Serenade - Serenade And The Triumph Of Romance ». Au Palais d’Iéna, c’est une autre exposition ouverte au public qui, jusqu’au 29 octobre, rassemblait deux pontes de l’art contemporains : Daniel Buren et Michelangelo Pistoletto.
Lauréat du soutien à la production du Groupe Galeries Lafayette l’année dernière, lors de la première édition de Paris+, l’artiste jamaïcain Akeem Smith, représenté par la galerie berlinoise Heidi, présente quant à lui jusqu’au 20 novembre les œuvres nées de ce soutien financier, à travers l’exposition « One last cry », chez Lafayette Anticipations, qui met en avant les hommes et femmes méconnus d’une histoire noire planétaire et célèbre la culture afro-caribéenne. Une preuve que dans le milieu artistique, la théorie du ruissellement, selon laquelle le succès des plus grands profiterait aux plus confidentiels, fonctionne. Qu’il s’agisset d’artistes, de galeries, mais aussi de foires. Car en parallèle de Paris+, c’est aussi toute une flopée de foires plus modestes (AKAA, Paris Internationale…) qui s’organisent et bénéficient de l’aura du géant suisse.