Les places fortes du marché de l’art contemporain : Bruxelles et Luxembourg
Cet été, Artquire analyse, à travers une série d’articles, la géographie du marché de l’art contemporain, réparti à l’international entre quelques métropoles, qui se complètent autant qu’elles se disputent toujours plus de parts de marché et luttent pour rester dans le peloton de tête. Pour le second volet de ce voyage à travers les places fortes du marché de l’art contemporain, destination le Benelux, et les villes de Bruxelles et de Luxembourg. Deux capitales artistiques européennes tapies dans l’ombre de Paris, Bâle ou Londres, mais qui n’ont pas dit leur dernier mot et ont bien des avantages à faire valoir.
Avec une situation géographique au carrefour de l’Europe de l’Ouest, au croisement des trajets entre Paris, Londres, Amsterdam et Bâle, les capitales de la Belgique et du Luxembourg s’imposent toujours un peu plus sur le marché de l’art international, année après année. Dans les pas des grandes villes marchandes du nord de l’Europe, telles qu’Anvers, Bruges, Gand ou les autres villes de la Hanse, Bruxelles entretient son attractivité face à la concurrence féroce grâce à son dynamisme et son goût pour la jeune génération d’artistes. Qualifiée de « nouveau Berlin » dès 2015 par le New York Times, la ville a vu son marché de l’art se développer de manière exponentielle depuis les années 80, grâce à un microcosme de collectionneurs aventureux.
Ces quinze dernières années, ce dynamisme s’est retranscrit et amplifié via l’ouverture d’une dizaine de centres d’art contemporain et de musées, prouvant l’attractivité de Bruxelles. Parmi eux, citons notamment le Kanal. Antenne belge du Centre Pompidou, ce nouveau musée d’art moderne et contemporain pré-ouvert en 2018 et dont l’ouverture définitive aura lieu en 2025 s’est installé dans un immense bâtiment industriel des années 1930 de 38 000 m², auparavant utilisé par Citroën. À terme, le musée Kanal occupera 12 000 m2, offrant un vaste espace d’exposition en plein cœur de la capitale européenne, où il ambitionne de devenir un pôle culturel majeur. Actuellement en travaux, son immense façade, qui attire déjà les artistes de renom, se fait la vitrine d’un art contemporain de qualité. Depuis le 25 mars et jusqu’au 2 septembre, elle est ainsi habillée d’une œuvre monumentale signée de l’artiste française Laure Prouvost, installée à Bruxelles, à laquelle succéderont des réalisations des artistes Anne-Mie Van Kerckhoven (de septembre 2023 à mars 2024) et Tarek Lakhrissi (de mars à septembre 2024).
Outre ce mastodonte en devenir, le territoire de la ville héberge également le centre d’art contemporain WIELS, initié par des amateurs d’art, ou encore la CENTRALE for Contemporary Art. Installée dans une ancienne centrale électrique, cette dernière offre « une vision engagée et décloisonnée de l’art » à travers l’exposition d’œuvres d’artistes confirmés ou émergents, tant bruxellois qu’internationaux. Le lieu dispose également d’incubateurs, la CENTRALE box et le CENTRALE lab, pour accompagner les artistes dans l’évolution de leur projet, et collabore également avec les écoles supérieures d’art bruxelloises dont l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles.
Car Bruxelles est aussi un terreau fertile à la jeune création, et héberge des écoles de renommée nationale voire internationale, à l’instar de l’École nationale supérieure des arts visuels (ENSAV) de La Cambre, connue pour avoir mis au monde des créateurs de mode importants, mais aussi pour avoir été un lieu de formation pour nombre d’artistes, tels que Michel Smolders, Didier Vermeiren, ou encore Ann Veronica Janssens, représentante de la Belgique à la Biennale de Venise en 1999.
Émaillé de nombreuses galeries, réparties sur l’importante avenue Louise, sur la plus pittoresque rue des Sablons, ou sur la plus intime place du Jeu de Balle située non loin, le territoire bruxellois a l’avantage de proposer des tarifs immobiliers moins prohibitifs que Londres ou Paris, incitant ainsi les galeries à s’y installer. Belges ou internationales, les galeries Almine Rech, Daniel Templon, Rodolphe Janssen, Mendes Wood, Stems Gallery ou encore Xavier Hufkens comptent notamment parmi les plus influentes. Ensemble, ce réseau fait vivre le marché de l’art bruxellois, qui respire également à travers des événements importants.
Prévu du 7 au 10 septembre 2023, le Brussels Gallery Weekend pousse par exemple chaque année une quarantaine de galeries à ouvrir leurs portes au public, afin de faire découvrir l’éclectisme et la richesse de l’art contemporain bruxellois. Côté foires, la Brafa (Brussels Art Fair) ou encore la foire Art Brussels, fondée en 1968 et dont la 39ème édition en avril dernier a rassemblé 152 galeries, se sont imposées dans le calendrier international, auquel s’est ajoutée, en 2010, la Independent Brussels, plus confidentielle et alternative.
De son côté, la capitale du Luxembourg jouit de la place incontournable du grand-duché dans le secteur financier en Europe, auquel l’art contemporain est intimement lié. À Luxembourg, où la communauté internationale représente 47,4% de la population totale, les collectionneurs d’art sont toujours plus nombreux et bénéficient par ailleurs de l’avantage du port franc. Moins connu et plus jeune, si on le définit par les ventes par les galeries, les marchands d’art et les maisons de vente aux enchères, le marché de l’art luxembourgeois est certes confidentiel à l’échelle internationale ; il n’en reste pas moins dynamique.
Luxembourg accueille ainsi par exemple les galeries Ceysson-Bénétière, Zidoun & Bossuyt, Nosbaum Reding ou encore la Galerie F. Hessler, qui a notamment vu passer sur ses murs des œuvres de Serge Poliakoff, Pierre Soulages, Wim Delvoye, Joan Mitchell, ou encore Wolfgang Troschke.
Chaque année cette dernière prend part, aux côtés de plus de 80 autres galeries, à la Luxembourg Art Fair. Une foire internationale d’art contemporain, dont la 6ème édition se tiendra du 15 au 17 septembre.
Enfin, la capitale du grand-duché est également le théâtre de la Luxembourg Art Week, prévue cette année du 10 au 12 novembre. Dédié à la création moderne et contemporaine, l’événement, dont il s’agira de la neuvième édition, fait cette année peau neuve avec sa nouvelle directrice, Caroline von Reden. Après avoir fait ses armes à Bruxelles et notamment travaillé au développement de la scène artistique belge, Caroline von Reden ambitionne ainsi désormais de faire gagner Luxembourg en crédibilité et en renommée, pour en faire « une destination pour l’art et y construire un marché fort ». Si Bruxelles est un nouveau Berlin, Luxembourg est ainsi un nouveau Bruxelles, au potentiel d’évolution semblable à celui de la capitale du royaume de Belgique, il y a 20 ans, lui offrant un avenir prometteur.
Photo de la galerie Xavier Hufkens lors d’un solo show de l’artiste Nicolas Party