Les places fortes du marché de l’art contemporain : Paris
Cet été, Artquire analyse, à travers une série d’articles, la géographie du marché de l’art contemporain, réparti à l’international entre quelques métropoles, qui se complètent autant qu’elles se disputent toujours plus de parts de marché et luttent pour rester dans le peloton de tête. Pour le premier volet de ce voyage à travers les places fortes du marché de l’art contemporain, destination Paris, une capitale artistique mondiale, berceau d’Artquire, qui a repris du poil de la bête récemment.
Évoluant au fil des décennies, la puissance respective des villes sur le marché de l’art dépend d’une multitude de facteurs, tels que la législation fiscale en vigueur (et donc les décisions politiques), la présence et l’installation de lieux dédiés à l’art ou encore de l’organisation de grands événements attractifs à l’international pour les acteurs que sont les artistes, les galeries et tout le microcosme qui gravite autour. Autant de paramètres qui modifient parfois la cartographie des pôles artistiques.
Aux côtés de New-York, Hong-Kong, Londres, Bâle, Bruxelles, Shanghai, ou plus récemment Lagos, Paris figure parmi l’une des villes les plus attractives. Capitale mondiale de la mode, la plus grande ville française est également une des capitales du marché de l’art les plus importantes. Et si son influence s’était peu à peu essoufflée ces dernières décennies, au profit des pays anglo-saxons, elle opère depuis quelque temps un retour en force, notamment grâce à l’inauguration d’institutions au rayonnement international et à l’organisation de nouveaux événements majeurs, qui viennent étoffer l’offre internationale et chatouiller la concurrence.
Loin de cacher ses ambitions en matière d’art contemporain, Paris a entériné ce retour en grâce à la fin du mois d’octobre 2022, avec l’arrivée en grande pompe de la toute première édition de la foire Paris+ par Art Basel (la référence des foires annuelles d’art contemporain), qui a remplacé sans ménagement la FIAC pour offrir à la ville une stature plus imposante. Miroir de la richesse et de la diversité des galeries françaises et internationales, Paris+ témoigne de l’attractivité de la ville, qui bénéficie d’une multitude de lieux toujours plus nombreux. À travers sa programmation hors les murs, intitulée « Sites », cette première édition s’inscrivait dans le paysage à travers l’installation d’œuvres dans l’espace public, réalisées par des artistes tels qu’Alicja Kwade, Raúl de Nieves ou encore Omer Fast. Une manière de signaler aux parisiens que Paris est un épicentre culturel au sens large.
Ce rapatriement des activités à Paris, rendant la France plus compétitive, doit beaucoup au Brexit – la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ayant semé l’incertitude et complexifié les démarches. En parallèle, des galeries et institutions pachydermiques ouvrent de nouveaux lieux dans la capitale française. C’est le cas notamment de la galerie suisse Hauser & Wirth, qui inaugurera sa toute première adresse parisienne en octobre prochain, au 26 bis rue François 1er, dans le 8ème arrondissement, avec une exposition consacrée à l’artiste américain Henry Taylor. L’espace s’étendra sur pas moins de 800 mètres carrés, répartis sur les quatre étages d’un hôtel particulier prestigieux.
Plus tôt, en 2021, la Bourse de commerce – Pinault Collection, rénovée par l’architecte japonais Tadao Ando, a qui l’ont doit notamment l’espace d’exposition Armani/Silos à Milan, a également contribué à replacer Paris au centre de la compétition internationale. Rival de la Fondation Louis Vuitton, l’espace né de la volonté de François Pinault et de son fils François-Henri Pinault, propriétaire de Kering, présente des expositions pointues mais accessibles, tour à tour consacrées à des pontes de l’art contemporain, tels qu’Urs Fischer ou Ser Serpas et confirme l’interconnexion, à Paris, du marché de l’art et de l’industrie du luxe.
Aux côtés de ce chapelet d’institutions monumentales, complété par les galeries incontournables d’Emmanuel Perrotin, de Kamel Mennour, ou encore de Chantal Crousel, d’autres lieu moins colossaux contribuent également à la richesse de la fourmilière artistique parisienne. C’est le cas notamment de l’Acacias Art Center, qui présente le travail de la nouvelle scène contemporaine française et internationale, et décerne chaque année, depuis 2022, son « Prix Reiffers Art Initiatives », déjà attribué à Pol Taburet et Ser Serpas. Reflétant la vitalité et le dynamise de la scène artistique en France et installé depuis mars 2020 à Aubervilliers, sur les neuf étages d’une tour de bureaux vacants, l’incubateur Poush accompagne quant à lui 250 artistes parmi lesquels John Fou, Marie de Villepin, ou encore Antonin Detemple et leur offre la possibilité de bénéficier d’un atelier ; une chambre à soi pour créer.
Outre ces rendez-vous et lieux dédiés à la création contemporaine, la municipalité de Paris porte également des initiatives. Organisé par la Ville de Paris et le Crédit Municipal de Paris, le Prix 1 % Marché de l’art est l’un des exemples du soutien apporté par la ville à la création artistique contemporaine. Via l’attribution d’une bourse, il permet aux artistes émergeants français et internationaux, représentés ou non par une galerie, de développer leurs projets. De quoi compenser le désavantage de Paris vis-à-vis d’autres capitales artistiques, comme Luxembourg, qui offrent quant à elle une fiscalité plus avantageuse.
Mais rien est gravé dans le marbre. Et l’hégémonie nouvelle de Paris sur la scène artistique européenne est fragile. Début 2023, une polémique est ainsi née suite à la possible transcription dans le droit français d’une directive européenne visant à uniformiser le taux de TVA à 20%, au lieu des 5,5% jusqu’à présent appliqués lors de l’achat d’une œuvre d’art en France. Plusieurs voix se sont ainsi élevées, afin d’alerter les pouvoirs publics sur les conséquences possibles de cette modification sur la place Paris et de la France dans la géographie mondiale de l’art.